Le Projet

« Ici c’est ailleurs.Ici c’est nulle part mais c’est chez nous. »

sommaire
Esquisse d’un territoire
Icosytème
Typologie des séquences
Traitement
Installation

 
PSL l’île bricolée trace la rencontre avec un pays aux rivages si mobiles que son histoire s’invente et se raconte au fil des marches; un forage des couches sédimentaires d’ identités reconstruites qui suivent les dépôts successifs des Rhônes; une exploration des affleurements de singularités battus par les vents d’hiver, illuminés par les mirages d’été.

PSL l’île bricolée est un icosystème, c’est à dire un modèle numérique qui construit le film sur plusieurs écrans et pilote le montage suivant des lois de composition internes écrites par le réalisateur.

C’est une mise en espace du récit, une immersion dans les paysages et la vie des hommes.

PSL l’île bricolée sera aussi une application web à l’interface intuitive, tactile et minimale laissant toute sa place à l’expérience du parcours et à la découverte intime du territoire.

PSL l’île bricolée est une enquête poétique sur les formes d’adaptation des hommes à des environnements mobiles, imprévisibles, parfois hostiles.

C’est aussi une approche de l’histoire à travers les paysages et les corps que les profondes mutations économiques, écologiques ont transformé.

PSL l’île bricolée est une aventure humaine et filmique, amoureuse d’un pays si près, si loin.

 

«On monte ou on descend le Rhône,on ne s’éparpille pas.
Il y a quelque chose de magique là.»

 

Esquisse d’un Territoire

Comment imaginer pire endroit pour installer une ville?  Sols meubles qui rendent périlleuse et onéreuse l’édification de hautes structures, marécages infestés de moustiques contaminant la zone de miasmes délétères, aucune source d’eau potable à moins de 10 kilomètres, vents furieux qui assèchent et désolent la maigre végétation, vastes propriétés aux mains d’une poignée de compagnies attendant la construction sans cesse reculée d’un canal, d’un port.
Mais c’est ici qu’émerge à la fin du XIX ème siècle l’ébauche d’une cité au bord du monde.

Une communauté hétéroclite d’arlésiens, d’italiens, de grecs s’agrège autour du bassin et du canal St Louis, créant une ville nouvelle, une ville de Far West. Cette mémoire est encore là, transmise, sans cesse invoquée, façonnant ce caractère insulaire qui soude et protège ce patchwork identitaire.

PSL est unique et en même temps je le perçois comme un concentré de notre contemporain. Construit de hautes luttes contre une nature demeurée sauvage et des propriétaires terriens avides d’hypothétiques bénéfices, ce territoire concentre simultanément l’échec de l’industrialisation, la précarité mais aussi l’invention de modes de vie et de productions bricolées.
Réponses rusées (métis) aux forces naturelles et économiques, à l’État et aux stratégies technocratiques.

Mais aussi les ambivalences d’une tradition inventée, méticuleusement construite au début du XX ème siècle (lou Marqués Folco de Baroncelli) qui fixe et folklorise les éléments épars d’une « nation camarguaise » lien puissant d’une mosaïque de peuples si différents.
Comment s’accrochent les souvenirs aux aspérités de ces bâtisses monumentales qui n’en finissent pas de s’écrouler. Ce n’est pas un paysage de guerre fait de jaillissements bétonnés au milieu d’amas informes mais un paysage d’abandons successifs offrant aux regards une histoire des vagues d’industrialisation et de désindustrialisation.

Quand je suis au bout de la digue, les cabanes de Carteau-Sud se dressent vers l ‘Est les corps trapus des forges de Fos, vers le Nord les contours des immeubles de Port Saint Louis, vers l’Ouest les étendues des marais sans fin, et vers le Sud la Méditerranée.

360° d’un paysage qui contient en lui la force et la complexité d’un monde paradoxal irrigué d’une culture identitaire et insulaire et d’un multiculturalisme toujours vivant, d’une nature violente façonnée, contenue, au bord d’un déferlement sauvage, posé au cœur des réseaux de la mondialisation par le gigantisme portuaire .
Et derrière le mince rempart d’une levée de terre, d’un rideau de cannes, le cabanon pauvre et fragile contient en lui la richesse d’une société minuscule, d’une humanité debout.

La vie au cabanon c’est une utopie active. Lieu de la rencontre, du partage et surtout de la transmission de valeurs menacées : l’entraide, le respect de la nature, des aînés, de l’étranger.

Une passion pour une vie simple avec le minimum de confort bricolé, pour profiter complètement du dehors, des amis, de la famille.

On y vient après le travail, le week-end, à chaque moment libre.
On y invente un art de vivre fait de repas collectifs, de chasses et de pêches, de parties de cartes, de temps qui file.

Le combat est rude pour conserver le privilège de pouvoir être là sur un terrain qui ne vous appartient pas.
Privilège du pauvre qui s’est construit de «récup» en bricole un abri, un radeau, un espace-temps où ils ont eux mêmes fixé les règles et les limites.
La fragile précarité d’un territoire en perpétuel mouvement façonne les esprits.
Le Rhône et le climat, les hommes et leurs projets changent la donne en permanence, distribuant les parcelles au gré des flux et des reflux dessinant une carte mobile, imprécise et capricieuse.
Explorer le territoire de PSL se fait de deux manières : en bateau ou à pied. La nature marécageuse impose au marcheur de suivre les chemins, les levées de terre. Les surfaces inondées sont en mouvement constant, au gré des pluies, des tempêtes, de la sécheresse. Seul reste à peu près stable le réseau de chemins qui irrigue le territoire.

Face à ces paysages en perpétuels changements, l’approche du territoire sera hodologique. L’hodologie est l’art du cheminement, du paysage vécu, ressenti lors d’une marche. C’est aussi lors de ces errances volontaires que se font les rencontres, que se construit un rapport intime avec une nature dont les repères sont rares et mouvants.

Ce projet nécessite aussi des formes dynamiques, mouvements des idées, flux des images et des sons reliés entre eux par des liens de sens, d’émotions, de lumières…

Walkscape* dessiné au gré des dérives successives, PSL est un film paysage qui utilise le parcours comme structure narrative.  

*Paysage qui se dessine en marchant, la marche comme pratique artistique.

 

Un icosystème

PSL, l’île bricolée est une rêverie où l’esprit refait les marches, rejoue les rencontres.Inventer des formes, innover des liens entre images et sons, textes et objets.
Considérer la complexité comme une forme et produire des réseaux de sens qui se font et se défont au gré des parcours. La non linéarité joue ici d’une esthétique de la dérive, de la surprise, des découvertes fortuites.
Le détour, le chemin de traverse, le sentier, le canal deviennent les structures souples d’un parcours à tracer.

PSL, l’île bricolée  est une grande carte mentale où des capsules de vidéos et de sons s’aggloméreront et se déliteront au rythme de la navigation.
Icosystème est un terme que j’ai forgé pour répondre à un projet d’installation vidéo générative (ICOS).
Une première réalisation a été montrée lors du festival Gamerz dans le lieu d’exposition Seconde Nature à Aix en Provence.

Ce système se construit autour d’une banque de données de plans vidéo et audio, classés suivant des critères de contenus et de caractéristiques objectives des séquences vidéos et audio.Le système distribue ces plans sur des écrans en fonction de lois de composition internes.

Chaque plan ou chaque micro-montage est indexé, et un programme choisi dans cette banque de ressources d’afficher tel ou tel film sur tel ou tel écran. Le montage se fait dans un équilibre entre aléatoire et des règles de compositions.

C’est un système génératif ce qui signifie que le spectateur ne voit jamais le même film car une part d’aléatoire permet de moduler à l’infini les rapports entres les plans aussi bien dans le temps que dans l’espace.

Chaque unité filmique sera dotée de marqueurs qui s’accorderont ou non avec d’autres unités. Un important travail de description et de classement des plans sera nécessaire et se fera au fur et à mesure des tournages. Le modèle est un peu celui des récepteurs cellulaires qui permettent ou non à un autre organisme de s’accrocher à la cellule. Une liste de connecteurs sémantiques, thématiques ou filmiques sera établie.

Typologie des Séquences

 

Création d’un logiciel pour indexer les plans de la base de données. Ce logiciel est développé par Stéphane Cousot

Vue de l’interface de travail

 

 

Traitement

La banque de donnée est composée de plans séquences. Chaque élément est considéré comme autonome.
La question du montage se pose très différemment dans le contexte d’un projet génératif et spatialisé.
C’est l’écriture des lois de compositions qui va créer un cadre de montage en ménageant une part d’aléatoire qui donnera à l’ensemble une étonnante qualité organique.

J’ai souvent fait référence, pour le précédent projet, au concept de Jardin en Mouvement de Gilles Clément: «espace de vie laissé au libre développement des espèces qui s’y installent». C’est une des lignes de force de l’icosysteme: laisser se développer un univers sans le contrôler complètement, préserver le jeu.
Et c’est dans ces libres rouages que s’invente le paysage filmique.

Une partition de base structure le «film en mouvement» autour des saisons et de l’heure de la journée.
A partir de ce cadre le système ira choisira dans la masse de plans.
Fixer les cadres, les règles mais toujours laisser du champ.

 

 

 

Installation

Construire l’espace de représentation comme le scénario fluide  d’un film en mouvement.
Comment ne rien fixer, jouer avec les regards des spectateurs qui se déplacent, font des choix, s’immergent dans une architecture d’images qui joue sur les registres de l’instable, du précaire, du provisoire. Analogie d’un territoire en perpétuelle indécision.

Le dispositif affirme une volonté d’immersion du spectateur dans la matière et le mouvement filmique et sonore. Les écrans sont décollés des murs, légèrement inclinés ce qui donne à l’image une présence physique qui interagit avec notre propre espace. C’est une invitation à pénétrer un univers foisonnant, dense et profondément vivant.